Quelle guitare choisir pour le fingerpicking ?

J’aurais pu sous-titrer : « Guide non autorisé, sans doute insatisfaisant, mais sincère – 2025 ».

Martin-OM-21, un choix parmi tant d’autres

Si tu t’es déjà lancé dans le fingerpicking, tu sais à quel point ce style peut être aussi gratifiant… que capricieux. Il suffit d’un petit détail – une caisse trop grosse, un manche trop fin, un bois trop raide ou trop souple – pour que ton jeu ne sonne pas comme tu veux.

Alors voici un guide personnel, honnête et sans blabla marketing, pour t’aider à choisir une guitare qui respecte ton doigté et ne te trahit pas à la première mesure.

Le fingerpicking a ses exigences (et il ne rigole pas)

Quand on joue aux doigts, tout s’entend. Absolument tout. Le frottement d’une corde mal pincée, un vibrato foireux, une basse qui mange la mélodie… C’est stressant et magique. Mais, pour que cette magie opère, il faut une guitare qui réagit bien au toucher. Et non, ce n’est pas juste une question de prix — j’ai entendu des guitares moyen de gamme sonner mieux que des instruments à 3 000 €. Question du bon casting pour un rôle.

L’idée, c’est de trouver un instrument qui te donne de la clarté, de l’équilibre, et surtout qui ne t’épuise pas au bout de 10 minutes. Tu veux une guitare qui travaille avec toi, pas contre toi. Tu ressens rapidement quand tu luttes contre ta guitare.

Format de caisse : de la finesse

Le format de la guitare influence énormément la sonorité, mais également la façon dont tu vas la sentir contre toi (et oui, c’est important si tu veux passer deux heures à travailler sans finir chez l’ostéo).

Mon conseil ? Les formats OM, 000 ou Concert.

Ces modèles sont souvent plus petits que les dreadnoughts ou les jumbos (les tanks du monde acoustique). Ils ont une caisse plus fine, ce qui aide à bien poser l’avant-bras droit et à gagner en précision. En plus, ils projettent un son plus équilibré, parfait pour faire ressortir les lignes mélodiques et les basses en alternance. Actuellement, on trouve des modèles « performance » ou « artist » qui cherchent à optimiser le ratio taille/son/basses.

Les dreadnoughts, eux, c’est un 4×4 ou un SUV : puissants, larges, bruyants. Si tu veux faire trembler les murs avec trois accords, vas-y. Pour un fingerstyle délicat ? Il vaut mieux un format plus contenu, sauf exception très bien réglée et jeu maîtrisé.

Les bois : entre épicéa bien élevé et cèdre boisé

Parlons bois, sans devenir bûcheron. Le top (haha !) en fingerpicking, c’est généralement une table en épicéa. En effet, ça répond vite, ça claque bien, et ça garde une belle projection même quand tu joues des ballades. Le cèdre, lui, est plus moelleux. Il ne claque pas autant, mais il caresse les oreilles. Parfait si ton style est plutôt introspectif que démonstratif.

Pour le dos et les éclisses, je suis fan du palissandre : il donne un son plus chaud, plus médium, presque “vintage” dans l’âme. L’acajou ? Super si tu veux un son riche et large, mais parfois un peu trop plein pour les doigts légers. À tester selon ton jeu.

Mais attention, le bois ne fait pas tout, les luthiers planchent (!) sur le sujet et un bon luthier pourra fabriquer des guitares avec un caractère très différent sur base des mêmes bois.

Le manche : ton meilleur allié (ou ton pire ennemi)

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, un manche étroit n’est pas forcément un avantage. En fingerpicking, un manche un peu plus large te donnera de l’articulation et de la précision. Tes doigts respirent, les cordes ne se marchent pas dessus, et tu peux enchaîner les arpèges sans prier à chaque changement de position.

Un bon confort de jeu, ça passe aussi par une action bien réglée. Si tu dois appuyer comme un bûcheron pour sortir une note, laisse tomber. Une guitare doit être un plaisir à jouer, pas un test de musculation.

Et l’électro-acoustique dans tout ça ?

Tu ne joues qu’à la maison ? Tu peux oublier le préampli, ça fera baisser la facture. Mais, si tu veux te brancher pour t’enregistrer ou jouer en live, prends une guitare avec un bon système intégré. Certains sont franchement bluffants, même dans les gammes moyennes. Tu pourras toujours investir dans un bon micro externe plus tard, comme le Neumann MCM 114.

Alors, quelle guitare recommander ?

Je ne vais pas te faire une liste de modèles ou te dire que telle marque est la meilleure. D’autres le font très bien. Et, franchement, tu n’as pas besoin d’un énième article qui classe les guitares comme des grille-pains. Le fingerpicking, c’est d’abord une rencontre entre un musicien, une guitare… et dix doigts qui n’en font souvent qu’à leur tête.

Le confort est ton premier allié

Oublie les gros modèles qui écrasent ta cage thoracique ou t’obligent à contorsionner le poignet. En fingerstyle, tu passes du temps avec ta guitare. Beaucoup de temps. Assis ou debout, concentré, à travailler ce maudit pouce indépendant. Alors choisis un format de guitare avec lequel ton corps est d’accord. Pas forcément petit, mais bien proportionné. Que ton bras tombe naturellement, que tes doigts trouvent les cordes sans se battre.

Le fingerpicking ne triche pas

Si ta guitare étouffe les basses ou la mélodie, si elle ne répond pas quand tu varies l’intensité, tu vas immédiatement le sentir. Mais, attention : ce n’est pas une question de prix ou de pédigrée. Certaines guitares modestes ont une âme. D’autres, très chères, n’en ont que l’apparence.

Ce que tu veux, c’est un instrument qui révèle ce que tu fais, qui t’invite à mieux jouer, sans te punir au moindre glissement de doigt.

Certaines marques sont légendaires, d’autres font de bonnes guitares

Les marques méritent souvent leur réputation. Notamment pour la constance dans la qualité et la prévisibilité de leurs instruments. Mais, il y a aussi une foule de luthiers, de fabricants moins connus, de modèles, qui peuvent être parfaits pour toi. Ne te laisse pas piéger par le prestige ou le budget.

Un bon conseil : va essayer. Même si tu n’achètes pas maintenant. Teste plusieurs formats, plusieurs sensations. Tu vas vite voir ce qui te plaît, et ce qui ne colle pas. C’est un peu comme des chaussures de running : sur le papier, tout va bien. Sur le sentier, c’est une autre histoire.

Fais-toi confiance !

Tu n’as pas besoin d’un guide pour te dire ce que tu aimes. Analyse les principes de base et décide pour toi. Tu as juste besoin de temps, d’essais, et d’un peu d’écoute. Le bon instrument, ce n’est pas forcément celui que tout le monde recommande. C’est celui avec lequel tu as envie de jouer. Celui que tu n’as pas envie de reposer. Celui qui, sans un mot, te dit : « Vas-y, rejoue ce passage une fois encore. » C’est ta voix de guitariste.

En résumé :

Si tu veux jouer en fingerpicking, choisis une guitare avec :

  • une caisse confortable, pas trop grosse, type OM ou concert ou un des nouveaux formats modernes,
  • une bonne clarté, équilibrée sans exagérer les basses,
  • un manche confortable et pas trop étroit,
  • un son qui répond bien, même quand tu joues tout doux,
  • avec ou sans amplification, selon tes besoins et ambitions, 
  • qui te parle et que tu as envie de faire chanter avec plaisir et facilité.

Tommy Emmanuel – Living in the light

Living in the light - Tommy Emmanuel

Living in the light – Tommy Emmanuel

Le nouvel album de Tommy Emmanuel — « Living in the Light » est sorti le 10  octobre 2025 .

Tommy Emmanuel : énergie et groove

Depuis toujours, les mots qui me viennent à l’esprit en pensant à TE sont énergie & groove. Quand je l’ai vu en concert, je suis sorti littéralement épuisé, rincé par le déluge de notes qui m’a presque balayé de ma chaise pendant deux heures. On en prend « plein la gueule » avec lui.

Dès les premières notes, on sent que Tommy ne joue pas “pour faire joli” : il injecte une vitalité contagieuse dans chaque morceau. L’album envoie des vagues d’énergie rythmique, souvent par le jeu percussif sur la table de l’instrument, les accents de basse ou les syncopes endiablées. 

Ce que j’admire, c’est qu’il réussit à “groover” avec une guitare acoustique solo sans jamais perdre de subtilité. Il y a des points où on pourrait presque imaginer une section rythmique cachée, tant le pouls du morceau est solide. C’est rock, presque techno dans la pulsation par moments.

Virtuosité et maîtrise

Bien sûr, on attend de Tommy Emmanuel des envolées techniques, et il ne déçoit pas : arpèges rapides, slaps, hammer-ons et pull-offs fusent, il combine des lignes de basse qui groovent et des mélodies qui claquent avec une netteté et une clarté impressionnantes. 

Les points forts :

  • La cohérence : on sent une direction artistique, un fil qui relie les morceaux, sans dispersion.
  • Il s’inspire de ses voyages pour mèler des touches exotiques dans ses morceaux.
  • L’émotion derrière le jeu : ce n’est pas juste de la technique, il y a du cœur.
  • C’est un rock, que dis-je un rock, c’est un pic, c’est un cap, c’est une péninsule ! J’aime comme c’est habité, assumé et solide comme musique. C’est un homme debout qui envoie tout ce qu’il a.
  • La créativité : percussions, reverbs, delays et échos, il n’a peur de rien.
  • Un côté brut et authentique dans le jeu qui me cueille chaque fois.
  • Quand il sort sa palette aquarelle pour un moment plus doux et suspendu, ça chante, c’est beau et profond.
  • La dynamique entre calme et explosion : les respirations rendent les moments forts encore plus puissants.
  • C’est une tornade technique et créative avec des moments de ciel bleu, dans l’œil de la tornade.

Ce qui m’a un peu moins plu :

  • Par instant, j’ai trouvé certains morceaux chargés, avec des passages un peu hachés. Ça me dérange moins en live. Ce sentiment s’estompe en écoutant et réécoutant l’album.
  • J’ai pointé quelques rares citations mélodiques ou rythmiques d’anciens morceaux. C’est presque anecdotique, et mon sentiment oscille entre la madeleine de Proust de la mémoire du fan guitariste et un sentiment de déjà-vu.
  • Les morceaux chantés sont le résultat d’une grande liberté artistique. Ils sont très bien réalisés, mais nuisent un peu à la cohérence de l’album avec parfois une vibe très « générique d’une série des années 80’s » (moi ça me va, et après, il fait comme il veut, c’est lui le boss. On sent qu’il se fait plaisir et c’est contagieux).

Mon avis.

*Living in the Light* est une magnifique démonstration de ce que peut être le fingerpicking à son plus haut niveau. On y retrouve tout : énergie, groove, finesse, émotion, audace et maîtrise. Tommy Emmanuel, avec plus de 60 ans de carrière (dont 45 en solo), impressionne, surprend et touche. C’est un disque à recommander à tous les guitaristes acoustiques — pas seulement pour l’admiration technique, mais pour l’inspiration qu’il suscite.

Comme pour tous les autres, allez le voir en concert tant qu’il tourne encore ! C’est là que la magie opère le mieux.

Ukulélé workshop : Drôle de météo…

workshop ukulele

Drôle de journée d’automne. On dit souvent que toutes les aventures commencent par le premier pas depuis le seuil de son trou d’Hobbit. Quand j’ai quitté la maison ce samedi matin, un véritable déluge s’abattait sur la vallée. Des bourrasques balayaient feuilles et branches sur ma route et on n’y voyait pas plus loin que quelques mètres.

À mon grand étonnement, le retour a pris un tout autre visage.

Un trajet dantesque

Je me suis demandé si j’arriverais à destination et si les participants au workshop ukulélé de Neundorf braveraient les éléments. J’ai croisé et contourné des arbres tombés en travers de la route, des câbles électriques, une voiture sur le toit et un gros SUV planté dans la berme centrale. Un automobiliste, sans doute effrayé par de l’aquaplanage ou le vent violent, a même freiné et s’est arrêté sur la bande centrale de l’autouroute. J’ai pu l’éviter. À la radio, j’écoutais une émission qui évoquait le maccarthysme et sa comparaison avec les attaques de Donald Trump contre les contrepouvoirs civils et académiques. L’état du monde n’est pas plus réjouissant que celui de la route et dans ma tête aussi planaient des nuages sombres et lourds. Je me sentais préoccupé, tendu. Tant d’arbres sont tombés sur tant de routes les derniers temps.

Mon programme, en deux points…

Je n’ai que des élèves avancés ce matin, mais ils sont tous là. Les débutants ont décommandé la semaine passée. J’ai prévu de diviser le workshop en deux, un peu de pop avec (le tube) « We belong together » de Mark Embor. Un morceau parfait pour introduire un peu d’arpège et parler de la construction d’un morceau complet avec intro, couplet, refrain. Ce n’est pas tout à fait ma zone de confort au niveau du chant, pour une fois, je m’appuie sur le support d’une vidéo Youtube. Après une petite pause et une bien nécessaire tasse de café, la seconde partie du workshop sera consacré au rythme swing avec « Fly me to the moon » et « Mack the knife ».

Évidemment, on n’apprend pas les morceaux en un workshop ukulélé d’une demi-journée. La question du temps pour soi est une préoccupation universelle d’adulte et de parent. Mais, les adultes qui suivent des cours sont bien conscients que le travail vient après. Le but est de comprendre et d’emporter assez d’information et de conseils pour pouvoir trouver son chemin. 

Une matinée bulle d’air

Un peu égoïstement, je suis content de ma planification. J’ai pu finir le premier morceau avant la pause, et faire la seconde partie comme prévu. Malgré quelques digressions sur l’apprentissage de l’instrument et la vie d’adulte en général. Bien sûr, tout n’a pas été parfait, il y avait quelques erreurs dans mes notes de cours (un accord 7M noté 7, un Fa devenu un Mi, argh).  Mais, j’ai réussi à me le pardonner, en me promettant de faire un erratum. 

J’avais initialement prévu de retourner rapidement dans mon trou de Hobbit après le cours. Mais finalement, je me suis offert un break. J’ignore pourquoi, cette matinée m’a donné l’impression de sortir la tête de l’eau. Pouvoir me déconnecter, être utile, de pouvoir m’offrir du sens à quelques heures. J’ai ressenti toute l’importance de la musique dans notre monde. J’étais tellement captif volontaire de l’instant présent que j’ai carrément oublié de prendre des photos. 

Après un repas partagé en papotant de tout (et de rien) avec Sylvia, une des coordinatrices des ateliers de Neundorf et organisatrice de workshop ukulélé, que je remercie encore pour ce moment, j’ai repris le volant. 

Sur le trajet retour, le soleil a déchiré les nuages. Le ciel bleu est revenu partout, même dans ma tête. J’ai mis le dernier album de Taylor Swift à la radio, pour prolonger un moment de légèreté encore. Que ça fait du bien parfois de s’arrêter et de respirer. 

« Bright or blue » – Jacques Stotzem, première écoute

Comme je l’écrivais dans mon making-of de la vidéo de présentation, j’ai eu un accès anticipé au nouveau CD de Jacques Stotzem, « Bright or blue ». Le CD est disponible à la vente lors des concerts, ou directement via le site de Jacques. Certains morceaux sont également disponibles à l’écoute dans cette playlist YouTube :

Premier contact

Une fois la pochette plastique épluchée, l’étui au carton mat et les superbes photos de Manfred Pollert signent résolument un retour vers le naturel et l’organique.

"Bright or blue" Jacques Stotzem

« Bright or blue » Jacques Stotzem

Dans ce monde dématérialisé, même si j’avoue apprécier l’ubiquité de la musique nomade, sentir la fine texture du carton sous les doigts en regardant la lumière y glisser en doux reflets satinés me fascine brièvement au moment de glisser le CD dans le lecteur. Un détail insignifiant ? J’ai peu de mérite de l’avoir remarqué, Jacques m’en avait parlé. Un album de Jacques, c’est toujours un tout qui est pensé jusque dans les moindres détails.

CD Bright or blue - Jacques Stotzem (Manfred Pollert)

CD Bright or blue – Jacques Stotzem (Manfred Pollert)

Première écoute

J’accorde toujours de l’importance à la première écoute d’un album, un moment d’émotion authentique. Parfois au point de reporter le moment de quelques jours pour me rendre disponible et réceptif à la musique.

Même si au bout d’une vingtaine d’albums (33T compris), c’est devenu une évidence et au risque de me répéter, je dois encore une fois souligner l’excellent travail de prise de son de Jacques. Le soin qu’il y apporte est évidemment la continuité logique de son exigence de compositeur et de guitariste.

L’album débute presque logiquement par le morceau « Starting block », un morceau dynamique en mode rock acoustique. Un morceau bien nommé puisqu’il lance actuellement les concerts live de Jacques. Technique, décoiffant, tout en maîtrise, mais sans démonstration excessive.

Les « Moments précieux » et « Matins tranquilles » nous rappellent que Jacques parcourt le monde et la scène, et collectionne les instants. Heureux, « bright » ou plus nostalgiques, « blue », ils sont la trame sur laquelle il tisse ses compositions mélodiques. 

Les « anciens » seront ravis de retrouver deux superbes morceaux réarrangés. « Trace of Sorrow » (de l’album « Straight On », 1993) et Confidence (de l’album « Words from the heart », 1987). De mémoire, ils étaient en open tuning, et sont ici réarrangés en accordage standard sans perdre en rien de leur profondeur évocatrice. Un tour de force, l’air de rien. Me voilà plongé dans les souvenirs de mes jeunes années de guitariste.

Fidèle à son titre, l’album « Bright or blue » alterne entre ballades et morceaux plus groovy, comme le très félin « Pattes de velours ». 

Certaines mélodies sont tout simplement à couper le souffle comme « Questions sans réponse » au toucher incroyable. 

Un moment de vie

Jacques Stotzem continue à tracer son chemin : parfois lumineux, parfois mélancolique, toujours authentique et humain. Comme toujours, ce n’est pas qu’un disque : c’est un moment de sa vie qui croise la nôtre.

« Bright or blue » m’a accompagné quelques jours déjà avec un plaisir sans cesse renouvelé. Je ne peux que vous inviter à en faire l’expérience, pochette en main ou mieux, au détour d’un concert.