Avec l’accordage « ACU » (souvent appelé «sweetened ») utilisé par James Taylor, on entre dans cette zone subtile où une légère « fausseté » mesurée devient un choix sonore volontaire, pour favoriser l’harmonie des accords, mieux résister à l’usage du capo et tirer le meilleur de l’instrument.

Capodastre G7th Performance 3
Pourquoi cet accordage ?
La guitare acoustique ne peut jamais être parfaitement juste sur tout le manche : entre la pression des doigts, la longueur vibrante modifiée quand on frette, l’action, les diamètres de corde, tout cela influe sur la hauteur réelle de note. (Mon article sur le sujet).
James Taylor, souvent amené à jouer avec capo et à changer rapidement d’accordage en concert sans technicien, a donc adopté un réglage qui anticipe ces effets : l’idée est de commencer l’accordage légèrement « bas » par rapport à la norme, afin que lorsque la corde est frettée ou que le capo est posé, l’équilibre harmonique reste optimal.
En d’autres mots : plutôt que de viser à chaque fois le « cent » exact sur l’accordeur et espérer que tout sonne parfaitement sur tout le manche (ce qui, comme tu le dis, reste un compromis), l’ACU accepte un léger glissement contrôlé — pour un résultat audible souvent plus « juste » à l’oreille dans l’usage réel.
Les valeurs d’écart typiques
Les écarts en cents (un cent = 1/100 de demi‑ton) habituellement proposés pour cet accordage :
- corde Mi grave (E) : –12 cents
- corde La (A) : –10 cents
- corde Ré (D) : –8 cents
- corde Sol (G) : –4 cents
- corde Si (B) : –6 cents
- corde Mi aiguë (e) : –3 cents
C’est donc un accordage « relativement abaissé » par rapport au tempérament égal standard. L’idée n’est pas que chaque corde soit « juste » dans l’absolu, mais que l’ensemble forme un compromis sonore optimal : les accords en position ouverte (Sol, Ré, etc.) résonnent mieux, et l’usage du capo provoque moins de « dérapages ».
Comment l’appliquer ?
Si tu joues guitare acoustique et que tu t’intéresses au fingerpicking ou aux usages avec capo (comme dans le répertoire folk ou singer‑songwriter style Taylor), cette méthode peut être intéressante à essayer :
- Prépare ton accordeur : idéalement un accordeur de précision (type stroboscopique) ou un accordeur numérique avec affichage en cents.
- Accorde chacune des six cordes ouvertes selon les valeurs ci‑dessus (–12, –10, –8, –4, –6, –3 cents).
- Teste les accords ouverts et avec capo : par exemple, mets un capo en 2ᵉ ou 3ᵉ frette et vois si les accords comme G, D, Em « crispent » moins ou sont plus « justes » à ton oreille.
- Observe ton propre instrument : chaque guitare est unique (tirant de cordes, action, corps, micro, ou acoustique). Ces valeurs sont une base, pas une règle immuable.
- Décide si tu l’adoptes régulièrement ou ponctuellement : ce réglage peut très bien devenir ton « standard » d’accordage si tu utilises souvent un capo ou joues majoritairement en première position. Sinon tu peux l’expérimenter et revenir à un accordage plus « classique » selon contexte.
Pour quels usages et quels bénéfices ?
- Si tu joues fingerpicking autour de la première position (open chords, capo, progressions folk) : : l’accordage ACU peut donner un plus bel équilibre harmonique, des accords qui « sonnent mieux ».
- Si tu changes souvent de capo ou joues live sans beaucoup de temps pour ré‑accorder entre les morceaux : cet accordage peut stabiliser le son et limiter les « décalages » dus au capo ou à la pression accrue.
- En revanche, si tu joues beaucoup de morceaux modaux, en positions très étendues (10ᵉ case et plus), ou avec effets complexes, tu peux mesurer si ces écarts te gênent (par exemple avec des solos ou des intervalles très critiques).
- Côté oreille et doigté : l’effort pour avoir un toucher plus léger et précis est toujours bénéfique. Un accordage bien réglé ne remplace pas un bon geste.
En résumé
L’accordage ACU de James Taylor illustre parfaitement l’idée que l’accordage le plus juste n’est pas la perfection mathématique mais l’équilibre sonore utile en pratique. En acceptant de décaler chaque corde de quelques cents vers le bas, on obtient un compromis qui sert l’usage réel de la guitare acoustique : accords, capo, jeu libre.
Pour un fingerpicker intermédiaire, c’est un outil supplémentaire à connaître : pas obligatoire, mais à expérimenter pour voir s’il améliore ton son ou ton confort de jeu. Personnellement je m’en sers pour chanter en m’accompagnant, moins pour le fingerpicking instrumental.


