Starac : les chevaux de guerre

Oui, je regarde la Starac

Parfois je me demande pourquoi je regarde, parfois je sais. La Starac c’est un rythme démentiel, des enjeux énormes, des jugements constants, et une exposition maximale… Mais quel fou ferait un show à l’américaine ou une comédie musicale avec quelques heures de préparation seulement ? Les stars se préparent pendant des mois et répètent en situation. Certes, l’imprévu existe et il faut avoir une certaine flexibilité, mais ça n’est pas la base du métier pour ce que j’en sais. C’est le sel sur la frite, pas l’essentiel du plat.

La Starac et les feux de la rampe

La Starac et les feux de la rampe

Une pâte feuilletée prend 3 heures à faire, vous en avez deux

On balance les élèves dans des situations intenables, comme dans les concours de cuisine où on attend l’impossible avec des moyens limités et un temps de préparation irréaliste. Résultat : parfois, ils s’en sortent. Parfois, ils craquent. Souvent, ils prennent des raccourcis, tombent dans de vieux travers ou perdent ce qu’ils avaient de singulier. Et puis sont jugés pour ça.

Sortir de sa zone de confort, oui. Mais la préparation, ce n’est pas du luxe ou du confort, c’est la base pour produire du beau, du juste, du durable. C’est se donner le temps de comprendre ce qu’on fait. Le talent, c’est une graine. Il faut du soin, du temps, et de bonnes conditions pour en tirer quelque chose. D’ailleurs on voit parfois une star reconnue faire un petit duo impromptu dans un show télévisé ou pour la fête de la musique, et le résultat est souvent moins qualitatif que ce à quoi elle nous habitue, malgré l’expérience, le talent et le pouvoir de dicter ses conditions.

Alors oui, les cours, les conseils, les moments de doute, ça, c’est l’aspect précieux de la Starac. Voir un.e élève apprendre à respirer juste, à affronter le regard du public, à trouver sa voix… c’est beau. Mais le côté concours permanent, l’élimination comme carburant, et les dramas recyclés pour faire de l’audience… c’est pas ça qui fait un artiste.

Certains artistes ne sont pas faits pour ce format de guerre éclair où chaque semaine, c’est un nouvel assaut. Il faut sortir de la tranchée, baïonnette au canon. Certains n’y arrivent pas, pas par manque de talent, mais parce que leur processus de création demande autre chose : de l’écoute, de la lenteur, du recul.

« Les concours, c’est pour les chevaux, pas pour les artistes. » – Bartók 

Le cheval de guerre, c’est l’animal dressé pour aller au front, obéir aux ordres, avancer coûte que coûte, peu importe le stress, le bruit, le sang, les coups. Il est choisi pour sa robustesse, sa discipline, son endurance. Il ne doute pas, il fonce. Et surtout : il est remplaçable.

Dans les concours comme la Starac, on attend parfois des artistes qu’ils fonctionnent comme ça. Qu’ils encaissent, performent et qu’ils soient prêts tout de suite, qu’ils « fassent le show » même s’ils sont à bout. On leur demande une disponibilité émotionnelle totale, une maîtrise technique instantanée, et une résistance au jugement permanent. Et on enchaîne les épreuves sans vraiment leur laisser le temps de digérer, d’apprendre en profondeur, de se construire.

Mais un.e artiste n’est pas un cheval de guerre. Un.e artiste doute, cherche, essaie, se plante, revient, recommence. Même si une tournée est sans doute éprouvante, qu’il faut tenir malgré la fatigue. Un artiste n’est pas quelqu’un qu’on envoie au front chaque semaine avec une nouvelle armure, une nouvelle arme, un nouveau champ de bataille, en espérant qu’il tienne bon et qu’il fasse sensation. Alors ça pousse, ça crie, ça belte, ça chiale et le public adore. Je suis parfois sidéré par les cris enthousiastes du public pour une note poussée (mais un peu fausse). Ou une belle hurlade juste, mais lisse et inexpressive comme le visage d’une actrice botoxée. De l’haltérophilie vocale de Star internationale à Las Vegas (« Hit the money note, baby »).

Puis, un moment de grâce, un académicien arrive au milieu de tout ça à m’arracher de l’émotion… et si on n’a pas de la pâte à crêpe dans les oreilles et le cœur, c’est ce moment dont on se souvient. Et parfois c’est même ce candidat ou cette candidate qui gagne ou qui tirera son épingle du jeu après avoir fini second.

La musique complice ou victime ?

La musique, c’est une alchimie fragile entre technique, émotion, personnalité, sens. Ça se cultive. Ça se protège aussi. Alors oui, certains artistes peuvent survivre à ce format et même briller à la Starac. Ainsi, quelquefois disparaître dans le fracas du silence quand la lumière s’éteint.

Former des artistes comme des chevaux de guerre, c’est pratique pour la télé. La musique et l’émotion ont besoin de place et de temps pour pousser, pas forcément d’un champ de bataille.

PFAS, PTFE et cordes de guitare : un cocktail pas rock’n’roll

Les cordes de guitare, on les choisit souvent pour leur son, leur confort sous les doigts, mais également leur durabilité. Ce qu’on regarde moins, c’est leur composition chimique. Pourtant, certaines d’entre elles contiennent ou sont fabriquées au départ de substances peu reluisantes. Les PFAS, une grande famille de composés synthétiques ultra-persistants dans l’environnement, parfois appelés « produits chimiques éternels ».

Cordes

Il y a des cordes pour tous les goûts.

Des qualités indéniables…

Dans la grande famille des PFAS, on retrouve le PTFE, plus connu sous son petit nom commercial : le Teflon. Ce polymère fluoré est prisé dans de nombreuses industries pour sa résistance à la chaleur, son faible coefficient de friction, sa protection contre la corrosion et sa durabilité. C’est précisément pour ces raisons qu’il est utilisé comme revêtement sur certaines cordes de guitare en métal. Il sert notamment dans les séries haut de gamme censées durer plus longtemps, résister à la corrosion, et garder un toucher agréable.

… et leurs conséquences.

Mais ces qualités techniques ont un revers. Les PFAS, dont est issu le PTFE, posent des problèmes environnementaux et sanitaires. Ils sont extrêmement persistants : une fois libérés dans la nature, ils s’accumulent et ne se dégradent quasiment pas. Certaines études les lient à des troubles hormonaux, à des effets immunitaires, voire à des cancers. Même si une corde de guitare une fois fabriquée ne va sans doute pas te rendre malade, c’est le processus de production — et les rejets dans l’environnement — qui posent problème.

Le débat ne semble pas encore tout à fait tranché scientifiquement, ce qui n’empêche pas d’être vigilant. Le ratio coût/bénéfice (sanitaire et environnemental) doit idéalement viser à n’utiliser les substances préoccupantes que pour les applications essentielles.

Pour les cordes de guitare classique et de ukulélé, la situation est un peu différente des cordes acoustiques ou électriques. Ici, pas de métal enrobé, ni besoin de traitements anticorrosion aussi poussés. Mais certaines cordes — notamment les aigus en nylon — peuvent être fabriquées à partir de fluorocarbone, un type de polymère fluoré… qui entre dans la grande famille des PFAS. Ces cordes en fluorocarbone sont souvent vantées pour leur sonorité plus brillante et leur stabilité d’accordage, surtout pour le ukulélé.

Or, même si elles sont inertes une fois fabriquées, leur production repose sur des procédés chimiques impliquant des PFAS, avec les mêmes problématiques environnementales à la clé. Là encore, l’usage de ces matériaux semble discutable puisqu’il existe des alternatives en nylon ou en matériaux biosourcés. Pour les musiciens soucieux de l’impact écologique de leur instrument, mieux vaut donc se renseigner sur la composition exacte des cordes — car derrière un joli « nylon clear » peut très bien se cacher un fluoropolymère.

Plus de transparence ne ferait pas de mal

Certains fabricants, comme D’Addario, reconnaissent utiliser du PTFE dans certaines gammes (par exemple les cordes XS). Mais ils proposent d’autres séries sans fluoropolymères, comme les XT. La transparence commence à émerger, il faut s’en féliciter. Mais elle reste limitée, et l’information est rarement mise en avant sur les emballages. D’autres fabricants se réfugient derrière le secret industriel. Difficile donc, pour un musicien, de faire un choix éclairé s’il souhaite éviter les PFAS ou le PTFE.

Selon certaines associations qui militent pour une chimie plus propre, les fabricants avancent des arguments techniques pour justifier leur usage de PTFE, mais ces arguments sont peu convaincants dès lors qu’on prend un peu de recul : est-ce vraiment « essentiel » pour jouer de la guitare classique ou acoustique ? On peut en douter.

Si vous avez renoncé à votre poêle antiadhésive en Teflon, et suivi le feuilleton des PFAS dans l’eau de distribution de certaines communes belges, pourquoi ne pas être cohérent et réfléchir aussi à la composition de vos cordes de guitare ?

Pas de panique !

Il ne s’agit pas ici de céder à la « panique chimique », mais de prendre acte que les PFAS et le PTFE peuvent poser des questions écologiques et sanitaires. Leur usage dans un domaine aussi peu critique que les cordes de guitare mérite au moins d’être questionné.

Que faire ?

Quelques conseils pour éviter les PFAS et le PTFE dans tes cordes :

  • Évite les cordes « coated » ou « treated », en tout cas celles qui restent vagues sur les matériaux utilisés.
  • Privilégie les cordes non revêtues, surtout si tu joues régulièrement et que tu changes souvent.
  • Si tu veux du revêtement pour la durabilité, cherche des marques qui annoncent explicitement l’absence de PFAS en production et de PTFE dans le produit final. C’est aussi un bon moyen de faire pression sur le marché pour que les fabricants cherchent des alternatives moins problématiques.
  • Contacte les fabricants pour poser la question : certaines marques répondent franchement à la question.
  • Fais tourner l’info autour de toi : la pression des musiciens peut encourager l’industrie à chercher des alternatives.

En tant que guitariste, on est souvent à la recherche du bon son, du bon toucher… mais ça ne coûte rien de se demander ce qu’on met vraiment au bout de ses doigts. La musique n’a rien d’éternel – mais les produits chimiques qu’on utilise, eux, risquent de l’être.

Quelques liens

Les trucs que je déteste !

Ah, les choses que je déteste.

Quand j’évoquais la « bonne guitare » pour le fingerpicking, un ami me faisait remarquer que j’allais inmanquablement irriter certaines personnes avec ces choses que je déteste. Ce qui n’a pas manqué d’éveiller le troll qui sommeille en moi. Mais, dans le domaine de la guitare aussi, aucune vérité n’est définitive, ce ne sont que des opinions plus ou moins fondées, dont la mienne. Parfois ces opinions sont fondées à juste titre, parfois par expérience, ou parfois fondées sur des aprioris tout à fait discutables. Je me suis logiquement demandé quelle était ma liste d’avis très tranchés sur certaines questions relatives à la guitare et quels pouvaient être les contre-arguments.

Quand on réveille le troll en moi, je dis "je déteste" !

Quand on réveille le troll en moi, je dis « je déteste » ! Et vous pouvez me détester aussi pour cette image générée par IA (payante).

Change my mind !

“One man’s trash is another man’s treasure.”
Autrement dit : ce que quelqu’un jette, un autre le trouve génial.

Je déteste : 

– les grosses guitares

J’ai des petites mains, des petits bras (et un gros ventre) et devoir contourner une caisse volumineuse n’est pas confortable. Mais je trouve aussi souvent que les modèles jumbo sont difficiles à maîtriser du point de vue dynamique. Elles sonnent vite un peu brouillon quand on y met de l’énergie, ce qui n’est pas un défaut à proprement parler, mais un choix. Ce n’est pas pour rien que certains formats se sont imposés pour un meilleur équilibre, une bonne séparation des voix, et une compression naturelle du son.

Certes, les jumbos et dreadnoughts demandent plus d’engagement physique, mais elles offrent une projection sonore impressionnante. Pour un jeu en solo ou en groupe, c’est parfois l’arme idéale. Leur puissance peut être maîtrisée avec une technique adaptée, et certains modèles bien conçus gardent une belle clarté malgré leur volume. D’ailleurs, beaucoup de fingerstyleurs de scène les apprécient pour leur coffre et leur réserve dynamique.

– les guitares Ovation

Une révolution, une innovation, mais que ça soit assis ou debout, je n’ai jamais trouvé de position confortable pour en jouer. Même creusé, le bol ne tient pas en place. Pour ajouter l’outrage à l’insulte, certains modèles ont un manche en V qui ne me convient pas du tout. Le dernier clou du cercueil est le son des basses qui fait « plop-plop », parfait pour palm-muter tout ce qu’on joue. Perso, il me manque le côté rugueux, craquant et boisé d’une « vraie » guitare. Mais c’était aussi une mode de dire « Je déteste les Ovations ».

Injouables pour certains, parfaites pour d’autres. Les Ovation ont séduit une génération de musiciens live : résistance aux changements de température, absence de larsen, robustesse. Leur design atypique a des avantages réels : manche droit comme un rail, accès facile aux aigus, fiabilité du système électro-acoustique. Côté son, ce « plop-plop » dans les basses peut devenir une signature sonore si on sait en jouer.

– les tables en cèdre

Les tables en cèdre sont « trop moelleuses », certes ça caresse les oreilles, mais c’est mou.

Le cèdre, malgré sa réputation de bois « mou », a quelques atouts que certains oublient volontiers. Sa réactivité est immédiate : il suffit d’effleurer les cordes pour obtenir un son plein, chaleureux, sans avoir à taper comme un sourd. En vérité, pour un jeu tout en nuances, tout en retenue, c’est un allié précieux. Là où l’épicéa brille et claque, le cèdre enveloppe et adoucit. Et quand on joue aux doigts nus, sans onglets, il s’exprime souvent mieux, avec plus de corps et de richesse. Contrairement à l’épicéa qui demande parfois des années pour vraiment s’ouvrir, le cèdre sonne déjà mature dès la sortie de l’atelier. Ce n’est pas un bois qui impressionne par sa puissance brute, mais il séduit par sa musicalité immédiate.

– les cordes Elixir

Le son est trop poli, un peu mou, sans ce grain vivant que j’attends d’une guitare acoustique. Le toucher est trop lisse, ça glisse plus que ça ne répond, et j’ai toujours eu l’impression de jouer sur du plastique. Les bruits de doigts, quand ils ne sont pas excessifs, font partie du charme et du réalisme du jeu. Là, tout est trop propre. Je déteste ce manque d’authenticité. 

Et puis il y a le téflon. Ces cordes sont enduites de PTFE, comme beaucoup d’autres, et ça me dérange. Finalement, entre les pellicules blanches laissées par l’usure, le contact avec la peau et le doute sur l’impact sanitaire et environnemental, je préfère éviter. Tant qu’à faire, autant limiter les PFAS quand ce n’est pas indispensable. Comme j’aime le son brillant des cordes neuves et que les changer ne me dérange pas, je passe mon tour.

Indubitablement, leur longévité semble difficile à battre. Pour ceux qui transpirent beaucoup, qui jouent souvent ou qui n’aiment pas changer de cordes tous les quinze jours, c’est un vrai gain de temps et d’argent. Le revêtement limite les bruits parasites, ce qui peut être très appréciable en studio ou avec un jeu très propre. Quant aux PFAS et au téflon, le débat est en cours, mais il faut admettre que les quantités en jeu sont minimes et que d’autres matériaux problématiques traînent aussi ailleurs, y compris dans les vernis ou colles de certaines guitares. Et au pire, d’autres marques proposent des revêtements alternatifs plus discrets, voire sans PFAS connus.

– le Fast Fret

Je déteste le côté gras qu’il laisse sur les cordes, la touche et les doigts. Il finit par former une sorte de pâte qui se glisse partout. Un subtil mélange de squames de peau morte, de poussière (et de peluches de cordes enduites). Et puis l’effet « trop lisse », ça ne me plaît pas. Vraiment, je déteste cette sensation, qui me donne immédiatement envie de me laver les mains. En général, j’aime sentir la corde crisser un peu sous les doigts, avec du grain, du frottement. Sans parler du doute sur la composition du produit, qui reste un peu opaque.

D’un côté, il y a de quoi aimer : ça lubrifie bien les cordes, ça réduit les bruits de glissement, ça prolonge un peu la durée de vie en les nettoyant, et ça donne cette sensation de jeu ultra-fluide, presque glissant. Idéal pour les enchaînements rapides, les slides qui partent tout seuls, ou les journées où les doigts collent à cause de la chaleur ou du stress. Certains ne peuvent plus s’en passer, surtout après une bonne session bien transpirante.

– les micros magnétiques

S’ils évitent le son couac-couac du piezo, je trouve le bas médium souvent très chargé et assez peu naturel. Parfois, lors de certains concerts chargés en strumming d’accords dans les premières positions, j’ai l’impression de n’entendre que les cordes de Sol et de Si batttues et rebattues à coups de plectres.

Malgré tout, ce type de micro capte les cordes sans les artefacts piezo et avec une stabilité appréciable en concert. Il évite le côté nasal et sec du capteur sous sillet, souvent critiqué. Avec un bon préampli ou un système blend (mic + piezo + micro aérien), le rendu peut devenir très musical, bien au-delà du cliché « basse baveuse ». 
De nos jours, certains modèles haut de gamme permettent de régler précisément le niveau de chaque corde, corrigeant l’effet « midrange pâteux » souvent reproché. Et pour les tournées ou les scènes bruyantes, ce genre de micro reste une valeur sûre, peu sensible aux feedbacks.

Et je déteste tomber à court d’idées aussi…

Voilà, un petit billet dominical jouissif exutoire. Je ne manquerai pas de vous faire savoir si d’autres choses que je déteste me reviennent. Et vous, vous en avez aussi, des choses détestées à tort ou à raison ?

L’accordage ACU de James Taylor : un compromis maîtrisé

Avec l’accordage « ACU » (souvent appelé «sweetened ») utilisé par James Taylor, on entre dans cette zone subtile où une légère « fausseté » mesurée devient un choix sonore volontaire, pour favoriser l’harmonie des accords, mieux résister à l’usage du capo et tirer le meilleur de l’instrument.

Capodastre G7th Performance 3

Capodastre G7th Performance 3

Pourquoi cet accordage ?

La guitare acoustique ne peut jamais être parfaitement juste sur tout le manche : entre la pression des doigts, la longueur vibrante modifiée quand on frette, l’action, les diamètres de corde, tout cela influe sur la hauteur réelle de note. (Mon article sur le sujet).

James Taylor, souvent amené à jouer avec capo et à changer rapidement d’accordage en concert sans technicien, a donc adopté un réglage qui anticipe ces effets : l’idée est de commencer l’accordage légèrement « bas » par rapport à la norme, afin que lorsque la corde est frettée ou que le capo est posé, l’équilibre harmonique reste optimal.

En d’autres mots : plutôt que de viser à chaque fois le « cent » exact sur l’accordeur et espérer que tout sonne parfaitement sur tout le manche (ce qui, comme tu le dis, reste un compromis), l’ACU accepte un léger glissement contrôlé — pour un résultat audible souvent plus « juste » à l’oreille dans l’usage réel.


Les valeurs d’écart typiques

Les écarts en cents (un cent = 1/100 de demi‑ton) habituellement proposés pour cet accordage :

  • corde Mi grave (E) : –12 cents
  • corde La (A) : –10 cents
  • corde Ré (D) : –8 cents
  • corde Sol (G) : –4 cents
  • corde Si (B) : –6 cents
  • corde Mi aiguë (e) : –3 cents

C’est donc un accordage « relativement abaissé » par rapport au tempérament égal standard. L’idée n’est pas que chaque corde soit « juste » dans l’absolu, mais que l’ensemble forme un compromis sonore optimal : les accords en position ouverte (Sol, Ré, etc.) résonnent mieux, et l’usage du capo provoque moins de « dérapages ».


Comment l’appliquer ?

Si tu joues guitare acoustique et que tu t’intéresses au fingerpicking ou aux usages avec capo (comme dans le répertoire folk ou singer‑songwriter style Taylor), cette méthode peut être intéressante à essayer :

  1. Prépare ton accordeur : idéalement un accordeur de précision (type stroboscopique) ou un accordeur numérique avec affichage en cents.
  2. Accorde chacune des six cordes ouvertes selon les valeurs ci‑dessus (–12, –10, –8, –4, –6, –3 cents).
  3. Teste les accords ouverts et avec capo : par exemple, mets un capo en 2ᵉ ou 3ᵉ frette et vois si les accords comme G, D, Em « crispent » moins ou sont plus « justes » à ton oreille.
  4. Observe ton propre instrument : chaque guitare est unique (tirant de cordes, action, corps, micro, ou acoustique). Ces valeurs sont une base, pas une règle immuable.
  5. Décide si tu l’adoptes régulièrement ou ponctuellement : ce réglage peut très bien devenir ton « standard » d’accordage si tu utilises souvent un capo ou joues majoritairement en première position. Sinon tu peux l’expérimenter et revenir à un accordage plus « classique » selon contexte.

Pour quels usages et quels bénéfices ?

  • Si tu joues fingerpicking autour de la première position (open chords, capo, progressions folk) : : l’accordage ACU peut donner un plus bel équilibre harmonique, des accords qui « sonnent mieux ».
  • Si tu changes souvent de capo ou joues live sans beaucoup de temps pour ré‑accorder entre les morceaux : cet accordage peut stabiliser le son et limiter les « décalages » dus au capo ou à la pression accrue.
  • En revanche, si tu joues beaucoup de morceaux modaux, en positions très étendues (10ᵉ case et plus), ou avec effets complexes, tu peux mesurer si ces écarts te gênent (par exemple avec des solos ou des intervalles très critiques).
  • Côté oreille et doigté : l’effort pour avoir un toucher plus léger et précis est toujours bénéfique. Un accordage bien réglé ne remplace pas un bon geste.

En résumé

L’accordage ACU de James Taylor illustre parfaitement l’idée que l’accordage le plus juste n’est pas la perfection mathématique mais l’équilibre sonore utile en pratique. En acceptant de décaler chaque corde de quelques cents vers le bas, on obtient un compromis qui sert l’usage réel de la guitare acoustique : accords, capo, jeu libre. 

Pour un fingerpicker intermédiaire, c’est un outil supplémentaire à connaître : pas obligatoire, mais à expérimenter pour voir s’il améliore ton son ou ton confort de jeu. Personnellement je m’en sers pour chanter en m’accompagnant, moins pour le fingerpicking instrumental.